Dans l’ouvrage « Le Prix du berceau », paru aux éditions Seuil le 8 septembre dernier, l’autrice Daphné Gastaldi dévoile les dessous des crèches privées. Elle lève notamment le voile sur des cas de maltraitance dans les crèches privées lucratives, liés au manque de personnel ou à la recherche de rentabilité.

En écho de cette actualité, nous vous proposons la réaction de François Marquet, administrateur de la CRESS Nouvelle-Aquitaine et directeur général de l’APEEF (Association Petite Enfance, Enfance et Famille).

L’APEEF propose des solutions d’accueil, d’éveil et d’animation pour les enfants de 0 à 12 ans, avec une forte empreinte artistique et culturelle. Son leitmotiv : favoriser le développement harmonieux de l’enfant. L’APEEF c’est aussi un accueil pour les familles et des formations pour les professionnels de la petite enfance et de l’enfance. En complément de 2 lieux dont elle dispose (La Maison des Enfants, en activité depuis 1981 et La Maison Soleil), l’APEEF intervient dans de nombreux établissements scolaires de la Métropole bordelaise, et au-delà.

Quels sont les principaux problèmes pointés par l’ouvrage de Daphné Gastaldi ? 

La question serait plutôt ce que pointent les 2 livres qui viennent de paraitre (Le prix du berceau et Babyzness)

Le premier, écrit par 2 journalistes, pointe qu’en 20 ans, « l’Etat a beaucoup dérégulé pour faciliter l’augmentation du nombre de berceaux sans se soucier de la qualité d’accueil ». Le second, est une enquête menée pendant 1 an et demi par 2 journalistes et compare leurs observations à « un ORPEA des tout petits ».

Quelles différences entre crèches privées lucratives et crèches ESS ? 

L’idée n’est pas pour moi d’opposer ou de discréditer les organisations privées lucratives mais de considérer que l’on ne peut pas « marchandiser » les modes de gardes d’enfants. Les collectivités ont joué le jeu du développement exponentiel (115 000 places aujourd’hui) des 4 grands groupes (Les Petits Chaperons rouges, Babilou, La Maison Bleue et People & Baby). D’un côté pressé par les parents en recherche de mode de garde de leurs jeunes enfants et de l’autre, des dotations de l’Etat les forçant à réduire leur soutien au monde associatif et à réduire leur gestion directe d’établissement de jeunes enfants.

C’est par la vente de places de crèche aux entreprises que les Privés lucratifs se sont développés si vite. En effet, ces places vendues bien plus chères (autour de 15 000€ contre 8 000€ aux associations) peuvent être défiscalisées à 75% les rendant très bon marché dans le cadre d’une politique interne de « marque employeur ».

Quand a l’ESS, elle regroupe des entreprises non lucratives de nature différentes qui se structurent sous une certaine pression économique et de pénurie d’emplois. Nous assistons à une mise en réseau parfois au niveau national et a une « dilution » de l’enracinement local des associations historiques qui ont de plus en plus de mal à répondre aux nouvelles formes de contractualisation avec les collectivités et en particulier aux DSP (délégation de service public). Il convient également d’ajouter la pénurie de professionnel.les non reconnu.es, pas assez rémunérés au regard de leurs responsabilités. Les parcours de formation sont également à repenser.

Quelles pistes d’évolutions ?

Le Comité de Filière, a l’initiative du Gouvernement est au travail et regroupe toutes les parties prenantes et en particulier HEXOPEE que je représente. Il me semble important de repartir de la base, à savoir : le besoin de l’enfant et de sa famille

Il ne peut y avoir d’évolution sans cela.

Je peux vous affirmer, à titre personnel, mon opposition a toute lucrativité de ce secteur et a ma méfiance concernant la contractualisation sous forme de DSP qui peut permettre à une collectivité de choisir tous les 5 ans un nouveau délégataire : Quid du bien-être des enfants, de leur famille, de la qualité d’accueil que nous devons ou du bien-être de nos salariés ?

Je suis favorable à un réel service public de la petite enfance, mais cela passera par des décisions courageuses et favorables à l’ESS tout en respectant la « Responsabilité Territoriales des Entreprises (RTE) » (voir les travaux conduits par Maryline Fillipi).

En effet, si les collectivités veulent co-construire leurs territoires avec les entreprises, elles doivent nous considérer comme des partenaires et non plus comme de simples opérateurs. C’est à l’État, aux Collectivités locales, au corps intermédiaire et aux familles de refuser qu’à l’avenir, un « ORPEA en culotte courte » soit possible.